Ce que recèle le tableau, dix autres tableaux -son passé, en somme.Celui qu'on voit, qui a un nom, qui est chargé du nom, estl'addition de tous les tableaux écartés, enterrés, mais non oubliés.
L'oeil du spectateur perçoit-il et lui même imagine t'il le nombre de ces tableaux morts-nés, définitivement enfouis sous le pimpant couvercle de celui qui ferme l'ensemble comme une dalle et que le peintre pensait pouvoir garder pour lui seul : une mémoire qu'il a fébrilement forcée au silence.
Alors quoi : tel Sisyphe roulant opiniâtrement son rocher jusqu'au sommet de la montagne, peindre-plus encore que dessiner, serait-ce donc recouvrir sempiternellement des tableaux pourtant à deux doigts d'être achevés, avec en prime l'espoir perdu d'un incertain "encore mieux"
Ou comme ces joueurs pourtant nantis d'un gain substentiel qu'on ne peut décrocher de la table du casino, toujours persuadés que ce soir, la chance étant de leur coté, ils vont faire sauter la banque ?
Et l'exercice de la peinture ne serait-ce finalement que cela : peindre cet espoir, rien que cet espoir ?.
(Extraits de texte de Gérard Titus-Carmel, "Elle bouge encore..." édition Actes Sud).